Les 10 % de Français les plus riches ont payé moins d'impôts en 2024, et 3 autres infographies à ne pas rater


Chaque semaine, Alternatives Economiques sélectionne pour vous quatre graphiques qui éclairent différemment l’actualité.

Au menu de ce nouveau graphorama : l’impôt sur le revenu moyen des 10 % de Français les plus riches a diminué en 2024 ; certains jeux de hasard sont plus addictifs que d’autres ; les expulsions de logement ont battu des records en 2024 ; l’Europe trie (un peu) mieux ses déchets textiles mais en exporte toujours autant vers les pays pauvres.

1/ L’impôt sur le revenu des 10 % les plus riches est allégé grâce aux crédits d’impôts

L’an dernier, tous ceux qui paient des impôts sur le revenu en ont payé plus, sauf… les plus riches. Par rapport à 2023, le montant moyen de l’impôt au titre des revenus de 2023 payé par les 10 % les plus aisés a baissé de 0,1 % passant de 15 318 euros à 15 298 euros, indique une note de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Quand Eric Coquerel, le président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, dénonce sur TF1 que « tout le monde paie plus d’impôt sauf les plus riches », il fait toutefois un raccourci. Car les 54,7 % de foyers fiscaux qui n’ont pas payé d’impôt sur le revenu en 2024 ont plus perçu de réductions et crédits d’impôts que l’année précédente. En revanche, tous les autres ont payé plus d’impôts qu’en 2023.

Reste que le décile des Français les plus riches a moins payé d’impôt alors que leur revenu fiscal de référence – base sur laquelle l’impôt sur le revenu est calculé – a augmenté de 2,3 %. Selon Bercy, c’est « en partie du fait de la forte augmentation des réductions et crédits d’impôts perçus ». Ces ristournes fiscales font baisser leur taux d’imposition moyen à 15,3 % (contre 17,5 % auparavant), ce qui « conduit à aplanir les taux moyens d’imposition », et donc à réduire la progressivité de l’impôt.

La hausse des crédits d’impôts versés en 2024 (+ 6,8 % par rapport à 2023) est principalement due à celle de l’emploi d’un salarié à domicile (ménage, jardinage, soutien scolaire…) en hausse de 7,3 % sur un an. Une dépense fiscale de 6 milliards d’euros, dont le coût trop important pour des résultats « modestes » est dénoncé par la Cour des comptes dans un rapport publié l’an dernier.

Juliette Le Chevallier

2/ La moitié des Français adultes sont adeptes des jeux d’argent

Si Marivaux a étudié Le Jeu de l’amour et du hasard, ce sont les jeux d’argent et de hasard qu’analyse l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Leur marché se porte bien, selon son dernier rapport : plus de la moitié des Français de 18 à 75 ans s’y sont adonnés en 2023 (51,6 %) contre 47 % en 2019, une progression enregistrée dans presque toutes les classes d’âge.

Les jeux de tirage (34,2 % d’usagers) et de grattage (30,9 %) sont les plus pratiqués. Les autres types s’adressent chacun à moins de 7 % de la population, mais avec une fréquence de jeu plus élevée chez les adeptes des paris sportifs et hippiques, dont un bon quart mise au moins une fois par semaine. Tables de poker virtuelles et courses de chevaux comptent la plus grande part de joueurs quotidiens : respectivement 7,5 % et 4,6 %.

5 % des joueurs, soit près de 1,2 million d’adultes, sont considérés comme « problématiques » (à risque modéré ou excessif selon l’indice de référence). Le jeu problématique concerne particulièrement les paris hippiques, les paris sportifs et le poker (entre 15 et 17 % des joueurs), et sa prévalence est plus grande chez les hommes et les 18-24 ans.

Malgré des dégâts sanitaires et sociaux qui affectent plus fortement les catégories sociales défavorisées, la dynamique du marché ne faiblit pas : les dépenses de jeu ont augmenté de 20,4 % entre 2019 et 2023, et l’Autorité nationale des jeux anticipait en octobre dernier une année 2024 prospère pour les jeux en ligne.

Jérôme Latta

3/ Les expulsions de locataires n’ont jamais été aussi nombreuses en France

C’est un triste record. L’année dernière, 24 000 ménages ont été expulsés de leur logement avec le concours de la force publique en France. C’est trois fois plus que vingt ans auparavant, selon des chiffres publiés par la Fondation pour le logement (ex-Fondation Abbé-Pierre). Depuis 1956, il est interdit d’expulser un locataire pendant la trêve hivernale. Initialement fixée entre le 1er décembre et le 15 mars, elle court désormais du 1er novembre au 31 mars de chaque année. Dès le 1er avril, la police peut intervenir si un tribunal a prononcé un jugement d’expulsion.

Cette pratique s’est accélérée depuis quelques mois, notamment parce que « la loi dite “Kasbarian-Bergé”, adoptée en 2023, a fortement durci les procédures, réduit drastiquement les possibilités de maintien dans le logement, et s’est accompagnée d’instructions auprès des préfets pour expulser de manière plus systématique », détaille la Fondation. En 2022, elle avait mené une enquête sur le devenir des personnes expulsées. Sans surprises hélas, leur parcours se révélait extrêmement difficile, entre difficultés à se reloger durablement, perte d’emploi fréquente ou encore problèmes de santé physiques ou psychologiques.

La fondation appelle le gouvernement « à renverser la politique actuelle en faisant de l’expulsion une exception et non la règle », notamment en accompagnant mieux les locataires en difficulté et en indemnisant temporairement les propriétaires pour les loyers impayés.

Vincent Grimault

4/ L’Europe trie (un peu) mieux ses déchets textiles, mais en exporte toujours autant vers les pays pauvres

L’Européen moyen a acheté 19 kilos de textiles en 2022, un chiffre au plus haut depuis douze ans, selon un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) qui alerte sur l’impact environnemental élevé – et croissant – de cette industrie. La production de déchets textiles, elle, se maintient à un niveau élevé : environ 16 kilos par an et par personne. Le secteur textile est le quatrième en termes de pression environnementale, derrière l’alimentation, le logement et les transports, selon l’AEE qui appelle à s’éloigner de la fast fashion pour produire des textiles de meilleure qualité, moins consommer et moins jeter.

En 2022, moins de 15 % des déchets textiles faisaient l’objet d’une collecte séparée en UE. Un chiffre en augmentation, et qui pourrait continuer à progresser, car les Etats membres doivent, depuis 2025, mettre en place des filières de collecte séparée afin de mieux valoriser les déchets textiles.

Mais, selon l’AEE, cette obligation pourrait mener à « augmenter le volume de déchets textiles exportés » en dehors de l’UE. Ces exportations ont déjà triplé en vingt ans, passant de 550 000 tonnes en 2000 à environ 1,5 million de tonnes aujourd’hui. Principalement à destination d’Afrique et d’Asie.

« Les textiles exportés vers l’Afrique sont majoritairement réutilisés, ou finissent dans des décharges ou sont brûlés à ciel ouvert, tandis que les textiles exportés vers l’Asie sont en grande partie recyclés ou réexportés », explique l’AEE, qui invite les Etats à « renforcer les capacités de traitement au sein de l’UE afin de réduire le risque que les déchets textiles collectés séparément soient envoyés en décharge ou incinérés ».

Matthieu Jublin